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ART, artiste et artisan

Voici un large extrait de l'introduction de ce colloque : bonne lecture !

La déclinaison “Art, artiste, artisan” fut retenue pour ses capacités à interroger ces trois catégories à travers le prisme de l’histoire de l’art et de l’archéologie, qui constituent les deux principales disciplines cardinales de ce projet. Les multiples aspects matériels de l’œuvre d’art et de sa dimension à la fois individuelle et collective, impliquant artistes, individus, institutions et ateliers, sont au cœur des réflexions communes1. 

 

L’accent porté sur les hommes qui produisent, leurs “mains”, leurs “recettes”, les cadres dans lesquels ils évoluent (chantiers, ateliers, etc.) autant que sur les œuvres, est une composante essentielle de cette réflexion. De même, nous avons également souhaité ouvrir sur une anthropologie du processus artistique, clé de voûte du renouvellement des perspectives et ferment des études à venir. Ce sont en e et la dimension anthropologique de l’approche ainsi que les enseignements tirés de la pluridisciplinarité de cette journée d’étude qui autorisent à s’éloigner des terrains traditionnels de l’histoire de l’art et permettent d’envisager les multiples dimensions de l’objet “d’art”, matérielles, symboliques, politiques, etc. Ce sont elles deux qui transforment “l’œuvre” en “acte”2. 

Dans une perspective aussi large que la nôtre et paradoxalement ne couvrant pas l’ensemble des périodes, il demeure malgré tout di cile de s’abstraire totalement des définitions traditionnelles et d’abandonner le vocabulaire initial très connoté de l’histoire de l’art. Gestes, techniques, savoirs, idées, culture: comment fait-on naître l’œuvre d’art, ou si l’on préfère, la production artistique ? Du commanditaire détenteur du “modèle” ou de la référence initiale au “génie” qui le crée, en passant par les diverses “mains” exécutantes qui interviennent tout au long du processus de fabrication et y impriment leur marque, c’est bien l’ensemble du processus de “création” et de “production” qui est examiné dans les pages qui suivent. Quel statut ont les producteurs ? Que devient en n l’œuvre au-delà de sa conception, de sa réalisation ? Quel statut acquiert-elle ? 

Nous ne souhaitons bien sûr pas proposer une lecture linéaire ou évolutionniste du phénomène artistique, mais bien déconstruire l’idée d’une appréhension universelle de l’art qui ne serait forgée que par la tradition occidentale. Pour dire les choses en termes anthropologiques, l’exercice revient à substituer une vision emic, ouverte sur l’altérité, à une vision etic, forgée par notre expérience3. Compte tenu de l’ampleur chronologique et culturelle envisagée, on se gardera bien d’en rechercher des dé nitions universelles, ou de proposer des bibliographies exhaustives ! 

Plutôt que de dé nir maladroitement l’art et les artistes ou les artisans, à supposer qu’un consensus puisse se faire autour de ces notions sur une emprise chronologique aussi large que la nôtre, nous avons choisi de déplacer le propos à leurs frontières, là où s’estompent les particularismes, grâce à des interventions de spécialistes qui, on le verra, sont essentiellement des antiquisants et des contemporanéistes4. En retour, cette exploration permet de développer une réflexion d’ordre méthodologique, sur l’unité de nos disciplines et leurs apports mutuels, notamment en matière d’archéologie, d’histoire de l’art antique et d’histoire de l’art ultra-contemporain, particulièrement bien représentées à travers les actes de cette journée d’étude. La raison de ce mariage des extrêmes appelle quelques mots d’explication. La justification de ce rapprochement tient à plusieurs facteurs. L’antériorité des études sur l’Antiquité a généré des travaux approfondis sur de multiples domaines, mais qui sont arrivés aussi à renouvellement voire à déconstruction, en particulier avec la découverte d’aires culturelles différentes (Orient ancien, monde égéen, protohistoire, Mésoamérique entre autres). Celles-ci ont suscité des questionnements nouveaux sur les formes ou le sens des œuvres. Les rapprochements qui s’en sont suivis avec les arts “premiers”, de cour, de pouvoir, de symboles, comme les cadres nouveaux induits par les formes, les sources d’inspiration et les motivations de l’art contemporain ont largement fait voler en éclats l’approche traditionnelle. C’est en n cette approche centrée sur l’humain, méthode et référence tout à la fois, qui nous autorise ici à intégrer, des travaux d’anthropologie visuelle (cinéma), et une étude sur un atelier d’art-thérapie qui donnent une profondeur nouvelle à nos réflexions. 

S’il est difficile de dresser un bilan général et universel de ces questions, plusieurs interrogations demeurent récurrentes. Deux paramètres semblent déterminants: le statut de “l’œuvre” et celui de l’artiste. Dès lors qu’on accepte de sortir des convenances académiques, il est facile d’entrevoir la vigueur du débat de fond: des “spécialistes” comme on les appelle le plus sou- vent, mais qui sont en fait de véritables artistes, entretenus et reconnus par leur communauté.

existent dans des sociétés peu hiérarchisées comme celle du Paléolithique ou du Néolithique5. Parfois, même des domaines aussi austères que le débitage du silex invitent à s’interroger sur l’existence d’une véritable esthétique, voulue, choisie6, qui ne doit rien ou peu à la simple curiosité vis-à-vis d’un matériau ordinaire, ou aux structures corticales de notre cerveau7. En témoignent ces bifaces si symétriques qu’ils n’en sont plus strictement fonctionnels ou utilitaires, le choix conscient de pierres colorées, la taille autour d’un fossile inclus naturellement dans la roche (fig. 1)8. 

Il su t également de méditer sur les volumes subtilement inversés de la Vénus de Lespugue (fig. 2) pour se demander si nous ne tenons pas là l’une des premières œuvres d’art, née d’un artiste inconnu et anonyme à jamais9. 

 

Fig. 1: Deux exemples de bifaces acheuléens taillés autour d’un fossile pré- sent dans la roche du Crétacé. Provenance : West Tofts et Swanscombe (U.K.), d’après Lorblanchet, La Naissance de l’art [...], p. 90. 

Fig. 2 : Dessin de la Vénus de Lespugue, de dos, montrant comment les volumes inversés de la tête et des pieds, et de la poitrine et des fesses, h : 147 mm, Gravetien, musée de l’Homme, Paris. 

Les multiples remous qui ont entouré la découverte et plus encore la reconnaissance de l’art préhistorique au xixe siècle témoignent rétrospectivement de l’inadéquation des modèles d’alors pour penser la complexité du domaine de la création artistique10, et de la pseudo-simplicité des apparences11. La découverte récente de possibles fûtes attribuées à l’Homme de Néandertal nous suggère aussi que ce n’est pas seulement l’art qui est en jeu, mais aussi les arts12. Ces quelques réflexions préliminaires su sent à poser l’existence de l’art comme indissociable de l’humanité 

même (au moins depuis Homo faber), voire même à l’envisager comme un des critères de l’hominisation, sans doute l’un des plus discrets car son attestation suppose d’en retrouver des preuves matérielles, comme elle implique une prise en compte méthodologique. Production et création sont deux facettes complémentaires, indissociables, de l’activité humaine. Ces premières remarques suggèrent déjà deux pistes complémentaires : la prise en compte de la dimension “technique” de la création et l’abandon de critères de dé finition trop ethnocentrés. Ainsi, la dimension “matérielle” des réalisations adossée à une réflexion qui porte de façon concomitante sur les concepts qui définissent l’art s’avèrent des notions-clés pour appréhender une esthétique du passé. La maîtrise et la perfection techniques de ces réalisations sont peut-être bien les seuls éléments tangibles, non soumis à la surinterprétation, qui permettent de définir cette esthétique pour les sociétés sans texte. 

En e et, créer suppose un processus technique, le contrôle élémentaire ou magistral d’un savoir-faire, celui de l’action sur la matière, pouvant aller jusqu’à la maîtrise d’une forme de métrique, impliquant elle-même un apprentissage spécifique, parfois secret. Nous sommes souvent limités par nos conceptions traditionnelles de l’art et de l’artisanat où l’art est associé à un processus créateur pensé en termes d’individualité, et l’artisanat, dévalorisé et relégué dans l’utile. Une telle scission est récente et ne saurait constituer un paradigme universel. En 1889, William Morris n’écrivait-il pas : “Voilà en bref notre position d’artistes : nous sommes les derniers représentants de l’artisanat auquel la production marchande a porté un coup fatal”13. La scission entre “art” et “artisanat” est d’autant plus imparfaite qu’elle exclut de facto des pans entiers de la création, textile, cinématographique, comme toutes les œuvres collectives et, ou, anonymes et est démentie par l’ethnographie même. Plusieurs communications s’attacheront à faire table rase de ces notions pour explorer l’art comme technè14. Inversement, l’artisanat, par sa dimension productive, est fréquemment sollicité comme agent de la complexité sociale15. L’artiste n’y existerait que comme spécialiste “attaché” au pouvoir : produire en série, produire pour le pouvoir, éclaire l’émergence de sociétés complexes, étatiques pour tout dire, qui manipulent les arts visuels (Egypte, Mésopotamie par exemple). Une telle approche n’est pas fausse, mais elle demeure très partielle : si l’artiste est forcément un artisan, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. L’œuvre d’art porte toujours en elle quelque chose qui la dépasse et l’inscrit dans un autre registre. 

Interroger les catégories “art”, “artistes”, “artisans” dans cette approche diachronique et trans- disciplinaire, conduit à se placer dans plusieurs champs ou axes d’interrogation. Plusieurs entrées sont possibles, en fonction des sources, de la chronologie, des “œuvres”, de leurs réalisateurs. Les sources sollicitées sont en e et variées : objets ou fragments d’objets que l’archéologie éclaire, œuvres (dans toute leur diversité), collections appartenant au domaine de l’histoire de l’art, mais aussi écrits, enquête orale, en un mot tous les fondements du savoir historique. 

poursuivant pas l’exhaustivité, il nous a fallu faire des choix, trouver des compromis. Un premier axe est celui de la terminologie : par exemple, certaines des sociétés ou cultures que nous envisagerons ne connaissent pas d’équivalents directs aux mots “artisans” ou “artistes” que nous utilisons16. Un second axe s’ancre dans la sphère de l’“humain” et de la société ou communauté : il s’agit là d’interroger plusieurs réalités, celle de l’individu et celle du groupe, celle de l’activité isolée et celle de la chaîne “de production”, association ou collaboration, également la réalité du nom et de l’anonymat, en n celle du masculin et du féminin. Ainsi en est-il de la production des vases grecs, individuelle et collective, masculine et sans doute féminine à la fois17 (fig. 3). 

 

Fig. 3 : L’atelier de potier. Dessin du décor d’une hydrie attique à figures rouges, vers 460 av. J.-C. (Vicenza, Banca Intesa, ex. Milan, coll. Torno C 278), d’après Frontisi-Ducroux, Ouvrages de Dames, Ariane, Hélène, Pénélope [...], Paris, Seuil, 2009, ill. 4. 

Un troisième champ d’interrogation peut se concentrer sur l’objet ou “l’œuvre” : autour de la question de l’objet unique ou de la série, de la confrontation entre monumentalité ou préciosité, petits objets et matériaux courants, en n autour de la notion de l’accessoire et de l’utile. C’est sans doute le domaine de prédilection de l’archéologie que la matérialité de ses sources et son passé positiviste entraînent fréquemment dans la sphère des interprétations fonctionnelles. Le processus, avec notamment la mesure de la part de liberté et de contraintes, peut constituer un quatrième champ d’investigation, avec là aussi plusieurs notions à envisager, voire à confronter : l’inventivité ou la créativité face aux conventions, l’autonomie face au système (avec la question 

(avec la question du choix de l’artisan et de l’artiste, et de la place de la dimension collective), l’existence de l’école et de l’atelier18 (fig. 4), et leur rôle dans la transmission, l’apprentissage ou la formation, l’émulation, la capacité à transgresser la tradition apprise, chez l’artisan “expert” (au sens cognitif du terme19) comme chez l’artiste contemporain.

Mais, on l’aura compris aux lignes qui précèdent, il ne s’agit pas de réfléchir en termes d’opposition systématique entre les deux catégories “artistes”, “artisans” au travers d’oppositions dogmatiques. Il s’agit de laisser tous ces éléments ouverts à part égale en tentant, comme il a été énoncé plus haut, de se défaire de conceptions trop réduites ou réductrices. Il reste à souhaiter que d’autres combinaisons, multiples, plurielles cette fois, naissent de ces pérégrinations20. 

 

Figure 4: L’atelier de bronzier. Dessin du décor extérieur d’une coupe attique à figures rouges datée vers 490-480 av. J.-C., dite “coupe de la fonderie” (Berlin, Antikenmuseen F 2294) (découverte à Vulci et attribuée au Peintre de la fonderie), d’après : http://www.classics. upenn.edu/myth/content/tools/media/00000651.gif

En redonnant une place aux acteurs, en s’interrogeant ainsi sur leur statut social, sur leurs pratiques techniques, leurs savoir-faire, sur la perception que nous en avons comme sur la conscience qu’ils ont d’eux-mêmes, nous explo- rons la frontière entre création et production, technique et esthétique21. 

On ajouterait bien volontiers, et les actes de cette journée d’étude en témoigneront, que nous avons tout à gagner du regard porté par les artistes contemporains et les historiens de l’art contemporain sur les œuvres du passé22. En un mot, nous nous rapprochons d’une anthropologie de l’art, peu pratiquée dans le monde académique, sinon par des chercheurs isolés. Se faisant, le thème choisi croise indirectement des sujets déjà abordés dans le cadre de travaux menés au sein du CHEC, comme la restauration au xixe siècle étudiée par nos collègues Bruno Phalip et Jean-François Luneau23, ou encore des questionnements tournant autour des arts décoratifs, entre art, artisanat, productions en série et industrie. Ce sont ces diverses facettes d’une histoire de l’art renouvelée qui alimentent nos interventions pédagogiques et nos recherches communes. (…)

pastedGraphic.png  Fig. 5: Chapiteau de la Basilique Notre- lapis), d’après van Deijk, Pays-Bas romans,

 

 

NOTES

1. On citera comme référence la série des trois volumes du colloque international de Rennes publiés par Xavier Barral y Altet, Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge, t. 1, Les hommes, t. 2, Commande et travail , t. 3, Fabrication et consommation de l’œuvre, Paris, Picard, 1986, 1987, 1990.
2. Heta Haselberger, “Methods of Studying Ethnological Art”, Current Anthropology, vol. 2, fasc. 4, p. 341-384. 

3. Jean-Pierre Olivier de Sardan, “Emique”, L’Homme, vol. 38, n° 147, 1998, p. 151-166.
4. On en trouvera des échos dans les deux livraisons de la revue Figures de l’art, n° 7 : Artiste/artisan, 2002-2003 et n° 10 : L’esthétique aujourd’hui ?, 2005. 

5. Maurice Godelier, “La ‘monnaie de sel’ des Baruya de Nouvelle-Guinée”, L’Homme, 9-2, 1969, p. 5-37. John Cross, “Craft Specialization in Nonstrati ed Societies”, Research in Economic Anthropology, n° 14, 1993, p. 61-84. Richard Anderson et Karen Field (éd.), Art in Small-scale Societies. Contemporary Readings, Englewoods Cli s, Prentice Hall, 1993.
6. Michel Lorblanchet, La naissance de l’art. Genèse de l’art préhistorique, Paris, Éditions Errance, 1999, p. 89-125. 

7. Steven Mithen, e Prehistory of the Mind. A Search for the Origins of Art, Religion and Science, Londres, ames et Hudson, 1988. 8. M. Lorblanchet, Les origines de l’art, Paris, Le pommier/Cité des Sciences et de l’industrie, 2006, p. 64-69.
9. Yves Coppens, “L’ambiguïté des doubles Vénus du Gravettien de France (information)”, Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n° 3, 1989, p. 566-571. Pour mémoire, on rappellera que le grand historien d’art, Jacques uillier identi ait le couteau du Djebel el’Arak comme la première œuvre d’art véritable, comme si l’entrée dans les temps historiques, fondait une nouvelle démarche en matière de création artistique. Il s’en expliquait en arguant que les créations préhistoriques ne relevaient que du signe. On s’autorisera à nuancer son propos. J. Thuillier, éorie générale de l’histoire de l’art, Paris, Odile Jacob, 2003, p. 111. 

10. Yvette Taborin, “Les grandes étapes de la di cile étude de l’art paléolithique”, Bulletin de la SPF, t. 102, n° 4, 2005, p. 829-834. 11. Jean-Paul Demoule, Naissance de la gure, l’art du Paléolithique à l’âge du Fer, Vanves, Hazan, 2007, p. 198.
12. Ernst Grosse, Les débuts de l’art, s.l., Éditions esthétiques du Divers, Réédition 2009. Philip G. Chase et April Nowell, “Taphonomy of a Suggested Middle Paleolithic Bone Flute from Slovenia”, Current Anthropology, vol. 39, fasc. 4, 1998, p. 549. 

13. William Morris, L’art et l’artisanat aujourd’hui [1889], Paris, Payot & Rivages, 2011 p. 46.
14. Robert Layton, e Anthropology of Art, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 (2nd print) ; Carlo Severi, “Anthropologie de l’art”, in Pierre Bonte et Michel Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF, 2007, p. 81-85 ; Michèle Coquet, “L’anthropologie de l’art”, in Martine Ségalen (dir.), Ethnologie. Concepts et aires culturelles, Paris, Armand Colin, 2001, p. 104-154.
15. John E. Clark et William J. Parry, “Craft specialization and cultural complexity”, Research in Economic Anthropology, n° 12, 1990, p. 289-346 ; Elisabeth M. Brumfield et Timothy K. Earle (éd.), Specialization Exchange and Complex Societies, Cambridge, Cambridge UP, 1987 ; Bernard Wailes (éd.), Craft Specialization and Social Evolution : in Memory of V. Gordon Childe, Philadelphia, e University Museum of Archaeology and Anthropology, 1996 (University Museum Monograph 93; University Museum Symposium Series vol. VI). 

6. C’est le cas de la Grèce antique par exemple.
17. Dans le décor d’une hydrie attique à gures rouges datée vers 460 av. J.-C. (Vicenza, Banca Intesa, ex. Milan, coll. Torno C 278) qui évoque le travail des peintres de vases grecs dans l’atelier, on voit, aux côtés de trois jeunes hommes, une femme ; Athéna et deux Nikai s’apprêtent à couronner les jeunes hommes (la femme, elle, n’est pas couronnée!) (John D. Beazley, Attic Red- gure Vase-painters, 2e éd., Oxford, Clarendon Press, 1963, p. 571 ; La cité des images, Religion et société en Grèce antique, Paris-Lausanne, Realisation et di usion/Éditions de la Tour, 1984, p. 6, g. 1 ; voir aussi l’analyse de Françoise Frontisi-Ducroux, Ouvrages de Dames, Ariane, Hélène, Pénélope..., Paris, Seuil, 2009, p. 35-36). F. Frontisi-Ducroux, “‘La lle de Dibutade’, ou l’inventrice inventée”, Cahiers du Genre, 2007/2, n° 43, p. 133-151.
18. En témoigne le tout dernier numéro en date de la revue Perspective de l’INHA : Perspective 2014/1 : L’atelier. Voir aussi Silvana Di Paol0, “ e Historiography of the Concept of ‘Workshop’ in Ancient Near Eastern Archaeology: Descriptive Models and eoretical Approaches (Anthropology vs Art History)”, in Brian Brown et Marian Feldman (éd.), Critical Approaches to Ancient Near Eastern Art, Berlin, de Gruyter, 2014, p. 111-132.
19. Valentine Roux et François Bon, “De la complexité des sociétés paléolithiques”, in Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (éds.), L’archéologie à découvert, Paris, CNRS Éditions, 2012, p. 176-183. S. A. de Beaune , L’homme et l’outil. L’invention technique durant la Préhistoire, CNRS Éditions, 2008. 

20. On peut déjà citer ici l’exemple de la sculpture et des sculpteurs grecs de l’époque archaïque, qui croise plusieurs données et interrogations : signatures isolées, œuvres conservées anonymes pour leur grande majorité, la notion “d’école” ou d’atelier, la recon- naissance d’une technè, la question des styles et de l’a rmation d’une identité collective. Pour une présentation synthétique, voir Francis Croissant, “Artistes et artisans dans les cités archaïques : le problème des styles”, in Grand atlas de l’art, Paris, Encyclopédie Universalis, 1993, p. 138-139. Pour une approche plus large de l’art grec et un questionnement centré sur l’individu (avec rappels bibliographiques utiles), qui montre la complexité du sujet dans le contexte de l’histoire du monde grec antique et de son historiogra- phie, voir Francis Prost, “La monographie d’artiste de l’Antiquité grecque. Pratiques, apories, adaptations”, Perspective, n° 4, 2006, p. 536-556. Certaines idées présentes dans cet article à propos de la céramique grecque seront discutées par Martine Denoyelle dans les pages qui suivent. On ajoutera aussi les ré exions de Philippe Jockey sur les représentations d’artisans dans le monde antique qui invitent à s’interroger sur les stéréotypes et la réalité : “Les représentations d’artisans de la pierre dans le monde gréco-romain et leur éventuelle exploitation par l’historien”, Topoi, 8/2 (1998) p. 625-652. On pourrait se poser des questions semblables pour le Moyen Âge où les artisans de la pierre (Operarii lapis) se sont représentés eux-mêmes, outils à la main, unis en groupe compact sur un chapiteau, en une mise en abîme saisissante (Basilique Notre-Dame de Maastricht, Pays-Bas) (fig. 5). 

21. “Technique et esthétique” : quelle est la question ?”, Technique et esthétique, Le Portique, n° 3, 1999, [en ligne] https://leportique. revues.org/289. Voir aussi Carol F. Joplin (ed.), Art and Aesthetics in Primitive Societies, New York, Dutton, 1971.
22. Colin Renfrew, Figuring it out. What are we ? Where do we come from ? e parallel visions of artists and archaeologists, Londres, ames & Hudson, 2004.

23. Bruno Phalip et Jean-François Luneau (dir.), Restaurer au XIX siècle, Clermont-Ferrand, Presses universitiares Blaise Pascal, 2012. 

 

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